« Si tu attaques Caïn, Caïn contre-attaque... »

Comment cela se pouvait-il ? Nathaniel, l’efféminé, le fils indigne, le raté de la bande, lui parmi tous les autres, avait été choisi pour semer en premier la zizanie dans ce petit monde de mortels. Cela ne se pouvait, Caïn ne pouvait pas permettre une telle injustice sans broncher. Comment avait-on pu laisser cette chose gouverner leur terrain de jeu ? Pathétique fratrie, Caïn fulminait dans son coin, inventant mille tourments pour cette stupide famille hélas intouchable. Dans son dos, ils disaient que Nathaniel n’était qu’un idiot et pourtant, ils osaient le choisir lui, faire de lui l’élu en cette soirée d’Halloween. Tous des hypocrites sans aucun remords ! Caïn préférait de loin la franchise, il n’aimait pas Nathaniel et ne se cachait pas pour lui dire. Toujours est-il que ce bon à rien n’y parviendrait pas. Jamais ! Il avait toujours échoué lorsque leur père lui avait confié une tâche alors pourquoi cela changerait-il aujourd’hui ? Il n’était pas foutu de comprendre les instructions de leur frère aîné alors comment pouvait-il mener sa mission à bien ? C’est pourquoi Caïn avait tenté par tous les moyens de ramener Abbel sur le droit chemin. Il devait lui faire comprendre que tout ceci ne les mènerait à rien. Nathaniel n’était qu’un incapable, ce n’était pas à lui de lancer les hostilités, il ne ferait que les humilier auprès de ces petites poupées qu’ils étaient venues martyriser. Pourtant, Abbel n’avait rien voulu entendre, prétextant qu’au contraire, la folie était la plus appropriée pour cette soirée mortelle où les farfadets et autres folies régnaient en tout impunité. Caïn n’avait eu d’autre choix que d’accepter sa défaite, fusillant du regard son imbécile d’ennemi juré en promettant qu’il se vengerait. Et aujourd’hui, l’heure était venue…

« Je vous avais prévenu, Nathaniel n’arriverait à rien mais il s’avère que vous avez eu l’audace de me toiser et de me réduire au silence ». Oui, comme il aurait aimé leur dire cette vérité si crue mais Caïn préférait agir tout en subtilité. Il les observait, un sourire en coin, un air carnassier et un regard meurtrier collé au visage. Il restait de marbre alors qu’Abbel grondait la folie pour avoir perdu le contrôle de la soirée. « C’était notre chance et tu l’as gâchée ». Quel merveilleux écho de ses pensées… Son plan se mettait doucement en marche. Voir ces mortels s’entre-déchirer l’avait toujours excité mais voir sa propre fratrie se diviser que cela pouvait être jouissif. Il se régalait. Nathaniel ne disait rien, comme à l’accoutumée, ne comprenant même pas en quoi il avait échoué. « Mon bébé a été trop gourmand ce n’est pas ma faute ». N’importe quoi. Quel imbécile. Cette chose ne pouvait clairement pas avoir un lien de parenté, cela ne se pouvait. Un faible soupir s’échappa de ses lèvres alors qu’il devait subir les sermons du plus âgés de tous. Abbel. Sombre crétin, si tu m’avais écouté, nous n’en serions point là. Certains le suivaient, d’autres prenaient la défense de Nathaniel, bien qu’ils fussent moins nombreux. Cet imbécile heureux n’avait jamais remporté le prix de popularité. Quittant le mur auquel il était adossé, Caïn plaça les mains dans ses poches avant de s’en aller. Il quittait leur repère, signant leurs arrêts de morts à tous et toutes. Les cris commencèrent à poindre le bout de leurs nez, les visages se firent haineux et méprisants. Il avait réussi. Ce plan lui avait pris beaucoup d’énergie mais la récompense était tellement parfaite, dépassant de loin toutes ses espérances.

Son plan était parfait. Les amitiés d’autrefois deviendraient désormais des rivalités sans foi ni loi. Les ennemis de jadis s’allieraient pour faire sombrer leur ennemi commun en tout impunité. Oui, Caïn allait se régaler à voir ce petit monde partir à la dérive. On lui avait toujours connu un côté impulsif. Il semait la zizanie dans les cœurs et amenait indubitablement à la guerre. Violence, mort, souffrances étaient ses maîtres mots. Pourtant, aujourd’hui, il voulait plus. La mort ne le satisfaisait plus. Il avait découvert de nouvelles formes de violence et voir deux hommes se taper ne l’émouvait plus désormais. Non, il se délecterait à voir deux amis se déchirer pour une demoiselle sur laquelle ils avaient tous deux des vues. Il prendrait plaisir à voir un enfant faire un pacte avec le diable pour protéger sa maman. Sentez-vous cette tension dans l’air ? Cette électricité humaine et sauvage qui s’élève ? Tout ceci n’était que le début, et pourtant Caïn savourait déjà chaque instant. La colère montait dans les cœurs, les mots se faisaient plus piquants, plus agressifs. La patience venait de disparaître, mettant tout ce petit monde à crans. Si tu attaques Caïn mon petit, Caïn contre-attaque. C’est la dure loi de la guerre. Fier de lui, la guerre rejoignit ses quartiers. Il ferma son antre au reste du monde et partit se coucher. Il y eu un soir, il y eu un matin. Il fut réveillé par le son strident d’une voix féminine hurlant à pleins poumons contre son aimé. Ça y était, la guerre avait gagné. Elle avait rongé le cœur de sa fratrie et désormais, l’humanité était aussi gangrénée. Inspirant une grande bouffée d’oxygène, il sentit toutes ces ondes négatives revenir en lui pour lui offrir un contentement et une force inégalés jusqu’alors. Mais tout ceci n’était que le commencement car oui, son plan avait un but final, plonger la folie dans un chaos infernal. Nathaniel paierait son affront et l’humanité en subirait les conséquences… Car qui sait ce que peut devenir un fou quand il prend conscience de sa nature ?